Non, le plus surprenant, à la réflexion, c’est qu’on ne peut même pas parler de surprise. Encore moins d’exploitation. Kyrgios, l’homme du chaos, qui jusqu’à il y a deux mois n’avait pas dépassé le huitième Grand Chelem depuis sept ans et demi, a réinventé un avenir. Il est à sa place, et s’il reste capable d’éclats formidables, tout ce qu’il accomplit sur le court est une certitude. US Open Garcia, le parcours déterminant ? “C’était un match très important” IL Y A UNE HEURE Le niveau auquel il était face à l’ancien numéro un mondial est stupéfiant. Dans les deux derniers tours, il n’y a même pas eu de bagarre tant la supériorité de l’Australien était évidente. La seule surprise de la nuit réside peut-être là, dans l’ampleur et la netteté de sa victoire face à Medvedev. Le protégé de Gilles Cervara a estimé que, dans un tout autre registre bien sûr, ce Kyrgios était aussi difficile à jouer qu’un Djokovic ou un Nadal. Je veux dire. Kyrgios-Medvedev : Les temps forts Quand il est aussi impliqué, concentré et déterminé, Nick Kyrgios coche toutes les cases d’un Top 5 mondial, peut-être même un peu plus haut. La qualité de ses services est connue de tous. Dans l’échange, il est capable d’envoyer des mines dans tous les sens, dans tous les sens et sous tous les angles. Il attaque. Il étouffe. C’est rude, presque toujours. C’est ostentatoire, souvent. Bien aussi, parfois, comme cette touche qui lui a permis de distiller une série de retours en arrière qui ont coupé le sifflet et les pieds de Daniil Medvedev. Il est fort dans sa tête aussi, Nick. Le tie-break du premier set, de loin le clou de ce match, en témoigne. Les sets sont partis, les points de consigne sont enregistrés et, enfin, le dernier mot pour lui. Même lorsqu’il est frustré (nous l’avons vu balancer sa raquette, en plein dans ce jeu décisif enflammé du premier set), il élimine immédiatement cette pollution négative pour se ressourcer. Kyrgios a toujours eu de l’or dans sa raquette, mais il a dû gratter l’épais vernis au plomb qui le recouvrait pour révéler pleinement cet or. En haut de tableau, où Karen Khachanov, Kasper Ruud et Matteo Berrettini l’entourent encore, il n’est pas interdit d’en faire un favori. Il n’y a plus grand-chose d’interdit pour ce Kyrgios qui, lui, ne s’interdit plus rien. Dans ce rôle d’homme à battre, Nick Kyrgios est tout simplement en place. Daniil Medvedev n’appartenait probablement plus à ce rôle de numéro un mondial basé uniquement sur son couronnement à New York, loin de faire de lui encore le meilleur joueur du monde douze mois plus tard. Ce que nous avons vu hier soir n’est pas une surprise, mais une réconciliation d’impressions et de faits. Cet homme est fou : comment Kyrgios a perdu un point… il a gagné
Nous l’avons aimé
Maîtrise de Caroline Garcia. Swiatek. Sakkari. Sabalenka. Kvitova. Pégula. Raducanu. La Française a cloué de nombreux grands noms au cours de son été d’apprentissage. Alison Riske-Amritraj n’a peut-être pas le même lustre sur cette liste, mais faute de prestige, la victoire de la Lyonnaise sur l’Américaine dimanche soir (6-4, 6-1) est très révélatrice de sa nouvelle dimension. Face à cette joueuse qui n’aime pas jouer et qui l’a toujours battue en trois matches, Garcia, nerveuse en début de match (elle parlait beaucoup, ce qui est toujours un signe d’elle), a réussi à vaincre l’angoisse, avant le temps de recharge. Un démarrage diesel, puis Garcia transformé en bulldozer : le résumé de sa victoire Le show Gauff. Avec la retraite de la reine Serena, l’attention de New York se tourne fortement vers sa présentation comme son héritière. Coco Gauff est désormais aux avant-postes, même si elle n’est pas la seule Américaine rescapée du tableau féminin, puisque Pegula et Collins sont toujours présentes. Mais Gauff a ce potentiel de superstar que Flushing aime. Parfois on oublie qu’elle n’a encore que 18 ans, mais elle assume déjà beaucoup de choses. Contre Zhang, elle a joué comme une patronne dans Arthur-Ace (7-5, 7-5). Son quarterback face à Caroline Garcia peut enflammer la Grosse Pomme. Sous pression mais jamais vaincue, Gauff renvoie Zhang pour atteindre les quarts de finale : les faits saillants de son succès Le tie-break Kyrgios-Medvedev. Si le match dans son ensemble aura failli décevoir un peu, avec trois derniers tours où l’absence de véritable combat a nui à l’intérêt de la rencontre, il reste un beau premier set et surtout ce tie-break dansant, remporté 13-11 par l’Australien. Il n’a rien raté dans ces 24 points. La suite semblait un peu fade en comparaison…
Nous n’avons pas aimé
La façon dont Medvedev s’est effondré. Il y avait un match en deux sets. Puis presque plus rien. Daniil Medvedev n’a pris que cinq jeux dans les deux derniers sets. Le russe a parlé d’une pompe naturelle, due à un rhume (grâce à la climatisation). Soyons clairs, il n’en a pas fait une excuse pour sa défaite, mais une explication partielle de son arrêt spectaculaire en seconde période. Retard à l’allumage Corentin Moutet. Un peu comme Richard Gasquet samedi face à Rafael Nadal, Corentin Moutet a mis trop de temps à s’exprimer face à Casper Ruud. Menant 6-1, 6-2, 4-2, Francilien a réalisé une superbe remontée pour envoyer le finaliste de Roland-Garros dans un quatrième tour. Il ne pouvait pas aller plus loin dans ses ambitions de retour, mais le mal était fait dans les deux premiers sets. Sa semaine (sa quinzaine, comme il le dit justement puisqu’il a passé les éliminatoires) est pourtant très positive. Cela peut servir de base solide pour l’avenir… Ruud, une marche trop haute pour Moutet : revivez les moments forts de leur duel
Trois statistiques à retenir
- Nous n’essaierons pas d’extrapoler plus que la logique, mais, néanmoins, voici une statistique qui soutient Caroline Garcia. Elle n’est que la troisième joueuse française à atteindre les quarts de finale des tournois du Grand Chelem sans perdre un set. Elle rejoint Amélie Mauresmo, à Wimbledon en 2006, et Marion Bartoli en 2013, toujours à Wimbledon. Vous nous voyez venir ? Les deux fois, l’histoire s’est bien terminée.
- Matteo Berrettini est remarquablement constant en Grand Chelem. Vainqueur d’Alejandro Davidovich Fokina en cinq sets dimanche, il a toujours atteint (au moins) les quarts de finale lors de ses cinq dernières apparitions dans les grands rendez-vous : Roland-Garros 2021 : Quarts de finale Wimbledon 2021 : FinalesUS Open 2021 : Quarts de finaleOpen d’Australie 2022 : Demi-finales US Open 2022 : Quarts de finale au pire L’Italien avait raté Roland-Garros sur blessure puis Wimbledon en raison du Covid-19 ces derniers mois. A Flushing, il a poursuivi ses bonnes habitudes. A noter que lors des quatre tournois du Grand Chelem cités plus haut, il n’avait été battu que par Novak Djokovic (trois fois) et Rafael Nadal (à Melbourne cette année). Un vrai thriller: comment Beretini a épuisé Davidovich Fokina
- Daniil Medvedev banni, la “malédiction du titulaire” continue à Flushing Meadows. Du quintette de Roger Federer entre 2004 et 2008, le vainqueur sortant de l’US Open masculin n’a pas réussi à conserver son titre l’année suivante. Dans l’ordre : Del Potro (2009), Nadal (2010), Djokovic (2011), Murray (2012), Nadal (2013), Cilic (2014), Djokovic (2015), Wawrinka (2016), Nadal (2017), Djokovic (2018), Nadal (2019), Thiem (2020) et donc Medvedev (2021), ont échoué – ou déclaré forfait – lors de la prochaine édition. Durant cette période, l’US Open est un cas unique dans ce domaine par rapport à ses trois cousins du Grand Chelem.
En décla: Daniil Medvedev
A propos du numéro un mondial, qu’il perdra dans une semaine. Maintenant que tu en parles, ça me revient… Ce n’est pas agréable, honnêtement surtout après un match comme ça. Je suis déçu. Je ne vais pas pleurer dans le vestiaire, mais je suis déçu. Pendant quelques jours, je serai un peu triste. Mais parce que j’ai perdu. Quitter le terrain, le point numéro un, n’est pas la première chose à laquelle j’ai pensé.
Juste pour que je sache…
Qui est numéro un mondial en une semaine ? Nadal ? Alcaraz ? Roud ? Kyrgios n’est-il pas en train de s’imposer comme l’homme à battre dans ce tournoi après sa démonstration de puissance dimanche ? Pour Caroline Garcia, a-t-on le droit de se mettre à rêver ou est-ce toujours interdit ? Medvedev s’est-il vraiment remis de sa défaite face à Nadal en finale de l’Open d’Australie ? Depuis, un ressort semble cassé en russe.
Le match incontournable de lundi : Nadal contre Tiafoe
Il y a trois ans et demi, Francis Tiafoe a été révélé à l’Open d’Australie, où il a atteint les quarts de finale. Là, l’Américain avait pris de plein fouet le bulldozer Manacor. 6-3, 6-4, 6-2. Rafael Nadal l’avait dépassé. Lundi, Tiafoe affrontera le détenteur du record de victoires en Grand Chelem, pour un huitième de finale qui, nous voulons le croire, peut déclencher des étincelles et enflammer Arthur-Ashe Court. Nadal reste évidemment le grand favori de cette rencontre, mais il n’a pas toujours été impérieux depuis le début de la quinzaine. Oui, il a joué son meilleur match contre Richard Gasquet au troisième tour, mais…