Sur les huit accusés, trois sont renvoyés devant la justice avec des qualifications terroristes. Si leur adhésion à l’idéologie jihadiste n’est pas établie, ces derniers ne pouvaient ignorer, selon les enquêteurs, la fascination de Mohamed Lahouaiej Bouhlel pour les dérives de l’organisation Etat islamique (EI). Les cinq autres accusés, dont deux fugitifs, sont jugés pour organisation criminelle et infractions liées aux armes. Voici les accusations portées contre eux.
Deux proches de Mohamed Lahouaiej Bouhlel
Le groupe État islamique a revendiqué la responsabilité de l’attaque, mais les enquêtes ont prouvé qu’il s’agissait d’une revendication opportuniste. Aucun lien n’a été établi entre l’organisation et le Tunisien de 31 ans, au profil psychologique instable et violent. La recherche s’est donc concentrée sur son environnement. L’analyse du téléphone a révélé deux noms, Mohamed Ghraieb et Chokri Chafroud. Mohamed Ghraib paraît libre, ayant été placé sous contrôle judiciaire depuis le 30 janvier 2020. Il est licencié pour association de malfaiteurs terroristes et encourt trente ans de prison. Cet homme de 46 ans, qui travaille dans l’hôtellerie, est un ami d’enfance de Mohamed Lahouaiej Bouhlel, qu’il a rencontré en Tunisie. La justice l’accuse d’être associé aux démarches de l’agresseur pour embaucher du lourd. Les enquêteurs ont retrouvé deux photos de cet homme à 19 tonnes, datées du 11 juillet. Mohamed Ghraieb est également accusé d’avoir fourni au terroriste une arme inutile en juin 2016 et d’avoir reçu plusieurs SMS de Mohamed Lahouaiej Bouhlel concernant la livraison de cinq armes pour un “acte violent” programmé, selon le parquet, pour le 15 août. , 2016. L’intéressé conteste tous les faits. Il nie également être l’auteur d’un message “Je ne suis pas Charlie” envoyé à Mohamed Lahouaie Bouchel le 10 janvier 2015. Ses avocats, Vincent Brengart et William Bourdon, envisagent de plaider non coupable. “Rien ne tient notre client responsable de l’exécution de l’attaque. C’est l’antithèse de toute forme de radicalisation.” Vincent Brengart L’avocat de Mohamed Ghraieb La défense de Chokri Chafroud est similaire. Ce Tunisien de 43 ans est accusé plus ou moins des mêmes faits et encourt la même peine. Il a rencontré Mohamed Lahouaiej Bouhlel cinq à six mois avant les événements, à Nice. Immigrant clandestin, il se trouvait alors dans une situation précaire. “Mohamed Lahouaiej Bouhlel lui a payé des sandwichs”, explique son avocate, Chloé Arnoux. La paire s’est échangée 1 505 fois au cours de cette période. Le message de Chokri Chafroud, daté du 4 avril 2016, intéresse particulièrement la justice : “Chargez le camion de 2 000 tonnes de fer et coupez les freins mon ami et moi surveillons.” Cette peine n’a finalement pas été utilisée contre lui faute de preuves à l’appui de sa radicalisation. Comme Mohamed Ghraieb, Chokri Chafroud est accusé d’être monté à bord du poids lourd le 12 juillet et d’avoir été informé de son embauche. Il est accusé d’avoir aidé à fournir une arme à feu à Mohamed Lahouaiej Bouhlel dans les semaines qui ont précédé l’attaque et a également reçu des SMS concernant cinq armes à feu, dont l’un disant : “Chokri et ses amis sont prêts pour le mois prochain”. “Il est accusé de recevoir des SMS, ce n’est pas un acte !” rejette son avocat. Son client est détenu depuis six ans. “Il est resté en hôpital psychiatrique car dès le début il a clamé son innocence”, selon Chloé Arnoux, qui envisage également de plaider non coupable.
Trafiquant de drogue qui a fourni l’arme trouvée dans le camion
Ramzi Arefa, un franco-tunisien de 28 ans, est le troisième prévenu à être débouté pour association de malfaiteurs terroristes. Il est poursuivi pour avoir servi d’intermédiaire entre Mohamed Lahouaiej Bouhlel et des fournisseurs d’armes. En état de récidive, pour des faits de trafic de drogue, il risque la prison à vie. À partir d’octobre 2015, Mohamed Lahouaiej Bouhlel a reçu du cannabis et de la cocaïne de Ramzi Arefa environ une fois par semaine. Quelques mois avant l’attentat, elle l’a contacté pour trouver des armes : “J’étais un touche-à-tout”, a justifié Ramzi Arefa aux enquêteurs. Il reconnaît lui avoir donné un pistolet automatique et des munitions le 12 juillet 2016 pour 1 400 €. Cette arme a été utilisée par Mohamed Lahouaiej Bouhlel la nuit de l’attaque pour tirer sur des policiers. Ramzi Arefa avait également récupéré une Kalachnikov le 13 juillet, mais elle restait entreposée dans une cave de son immeuble et démentit avoir l’intention de la vendre au terroriste. Les juges doutent de cette version. Ils estiment également que Ramzi Arefa ne pouvait ignorer la récente radicalisation de Mohamed Lahouaiej Bouhlel. Ils retiennent également contre lui les messages qu’ils ont reçus concernant la location du camion et cet acte de violence présumé, prévu en août 2016. Pour l’avocat Ramzi Arefa, ces messages « ne peuvent être considérés comme des preuves, compte tenu de la personnalité de Mohamed Lahouaiej Bouhlel, qui a envoyé des tonnes de messages sans signification”. “On peut se poser la question du désir de s’impliquer sans avoir rien à voir avec la réalité sauf dans la tête de Mohamed Lahouaiej Bouhlel.” Adélaïde Jacquin, l’une des avocates de Ramzi Arefa chez franceinfo “J’ai été très choqué par cette histoire quand j’ai découvert dans quoi j’étais impliqué”, a déclaré Ramzi Arefa lors de l’enquête. [de l’argent]”C’est un trafiquant de drogue qui a accepté d’être l’intermédiaire pour la vente d’une arme à un client, dans un sens commercial”, plaide Adélaïde Jacquin. Son client, emprisonné depuis six ans, “a très envie de parler” mais est “intimidé” par la perspective d’un procès.
Intermédiaires dans le circuit des armes
Pour retrouver les armes réclamées par Mohamed Lahouaiej Bouhlel, Ramzi Arefa s’est tourné, selon le parquet, vers une de ses connaissances, Brahim Tritrou. Ce cocaïnomane de 37 ans est jugé pour l’avoir mis en relation avec son dealer, Artan Henaj, un ressortissant albanais. A ce titre, il est poursuivi pour association de malfaiteurs et encourt dix ans de prison. Libéré début 2019, Brahim Tritrou s’est enfui en Tunisie. Arrêté par les autorités tunisiennes en janvier dernier, il a été placé sous contrôle judiciaire, a indiqué son avocat à franceinfo. “Il a passé 25 mois en détention provisoire en France, alors qu’il n’y a quasiment aucune charge contre lui”, déplore Margot Pugliese, qui envisage de demander l’acquittement. Artan Henaj, 44 ans, est jugé pour avoir fourni à Ramzi Arefa deux armes, le pistolet automatique retrouvé dans le camion et la Kalachnikov, qui n’a finalement pas été utilisée. Libéré pour vices de procédure en décembre 2020, renvoyé aux barreaux pour d’autres délits. “Il n’a pas le profil d’un trafiquant d’armes. C’est quelqu’un qu’on a occasionnellement surpris en train de les vendre”, assure à franceinfo son avocat, Karim Lawafi. Il espère que son client ne recevra pas la peine maximale possible (dix ans) car son nom est lié à un dossier de terrorisme. L’ex-petite amie d’Enkeledja, Zace, semble libre pour association de malfaiteurs. Placé sous contrôle judiciaire après un an et demi de détention provisoire, cet homme de 48 ans est accusé d’avoir fait office de traducteur entre Artan Henaj et Ramzi Arefa, d’avoir assisté à la transaction d’armes et d’avoir reçu un laissez-passer. 100 euros. Selon son avocat, Joseph Hazan, elle conteste fermement les allégations portées contre elle. “On suit des gens qui ont contribué à une structure terroriste. Mais juridiquement, c’est très compliqué de prouver qu’il rejoindrait un groupe”, poursuit franceinfo. Dans ce cercle d’intermédiaires, on retrouve également Maksim Celaj, le compatriote albanais d’Artan Henaj. Il a également bénéficié d’une libération conditionnelle pour vice de forme fin 2020. Cet homme de 30 ans a avoué être allé chercher la Kalachnikov sur les hauteurs de Nice le 13 juillet 2016. « Son rôle est très limitée et l’arme en question ne sert pas aux projets meurtriers, rappelle son avocate Clémence Cottineau.On l’a retrouvée dans ce dossier qui l’a complètement bouleversé. “J’espère que tout cela ne causera pas de déception de la part des parties civiles, qui attendent de nombreuses réponses.” Clémence Cottineau, avocate de Maksim Celaj chez franceinfo Le huitième et dernier accusé de cette tranche est l’Albanais de 30 ans Edri Elezi. Il est accusé d’être le fournisseur de la Kalachnikov, issue d’un cambriolage. Il est rentré en Albanie en août 2016, fait l’objet d’un mandat d’arrêt et devrait donc être jugé par défaut, comme Brahim Tritru. Son cousin, Adriatik Elezi, s’est suicidé en garde à vue en juin 2018. L’homme de 38 ans avait été identifié comme le fournisseur…