Emmanuel Macron tente de surfer sur la vague énergétique. Alors que la France craint que l’approvisionnement en gaz naturel soit interrompu cet hiver sur fond de guerre en Ukraine, le président de la République a choisi de revenir sur le sujet dans le cadre très officiel d’une conférence de presse à l’Elysée. Silencieux ou presque depuis le 14 juillet, lorsqu’il demandait au pays de « se préparer à un scénario où l’on se passerait du gaz russe », Emmanuel Macron a dressé le scénario noir pour l’année à venir : une réduction totale des approvisionnements en gaz naturel conjuguée à une dur hiver. Dans ce cas, le pays devra alors recourir à des “idéologiques”. L’inflation mise à part, cela suffit à jeter un autre regard sur le spectre de la colère sociale. Pour ne pas en arriver là, le chef de l’Etat a appelé les Français à la “sobriété”, par extension tous les membres du gouvernement, à commencer par la première ministre, Elizabeth Bourne. “La solution est entre nos mains”, a-t-il assuré, demandant “de changer les comportements”, comme, par exemple, “mettre la climatisation un peu moins puissante” et “le chauffage un peu moins puissant que d’habitude”. Un régal pour un pays qui a fait de l’indépendance énergétique une valeur fondamentale depuis le général de Gaulle. Lire aussi Macron tente d’éviter les coupures de courant Avec la crise actuelle, Emmanuel Macron est accusé d’avoir bradé la filière nucléaire française, d’abord à Bercy, lorsqu’il était ministre des Finances, puis à l’Elysée, sous la pression des écologistes. Dernière attaque en date, celle de Jean-Bernard Lévy, PDG d’EDF (dont l’État détient 84 % et qui sera très prochainement nationalisé), lors de l’université d’été du Medef lundi dernier. “On manque d’armes, on n’a pas assez d’équipes (…) parce qu’ils nous ont dit : ‘votre parc nucléaire, c’est en train de décliner’”, a rappelé le dirigeant, qui doit quitter son poste très prochainement. “Préparez-vous à fermer la prochaine douzaine (de centrales électriques). Évidemment, nous n’avons pas embauché pour le faire, mais pour le défaire. » Les travaux de maintenance de la flotte existante ne dépendent en rien des décisions sur les nouvelles armes nucléaires que j’ai prises, il est vrai, à la fin de mon mandat. Emmanuel Macron Ces déclarations ont provoqué la colère et la sèche clarification du président de la République, qui avait reconduit le patron à son poste en 2019. « Il est inacceptable de dire que les gens qui étaient chargés de l’entretien du parc (des centrales) n’avaient pas visibilité, a fait valoir un Emmanuel Macron très agressif. Nous avons reporté (…) l’arrêt des centrales initialement prévu et redonné de la visibilité au secteur. Chacun à sa place doit prendre ses responsabilités. Les travaux de maintenance du parc existant ne dépendent en rien des décisions sur le nouveau nucléaire que j’ai prises, il est vrai, à la fin de mon mandat. Qui aurait pensé qu’un pays doté d’un tel parc (de réacteurs) pourrait faire (ses investissements et ses embauches) sur la base d’une commande de nouveaux réacteurs ? C’est faux et irresponsable. » Pour se défendre, le chef de l’Etat est allé jusqu’à citer l’ancien ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot, à qui il avait persuadé, au début de son précédent mandat, de repousser de dix ans l’objectif de réduire la part à 50 %. du nucléaire dans le mix énergétique. « Le président est très agacé par le manque de cohérence des attaques contre lui. Ceux qui l’accusent aujourd’hui d’impréparation sont les mêmes que ceux qui l’accusaient hier d’avoir fait avaler à Nicolas Hulot des serpents pour protéger l’industrie nucléaire”, confie un proche du palais. Lire aussi Luc Rémont, un homme de Schneider Electric qui fait figure de grand favori pour diriger EDF Le PDG d’EDF s’est retrouvé mêlé à la bataille politique de la rentrée. Sa sortie à la Rencontre des entrepreneurs de France était en fait une réponse aux critiques de Matignon divulguées dans la presse sur la gestion du parc nucléaire. Il a dû défendre son entreprise et son propre bilan lorsqu’il a démissionné. Hélas, cela a provoqué la colère de tous les niveaux de l’exécutif. De la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, assise à ses côtés lors de ses déclarations, à l’Elysée. Et pour cause : le départ du PDG, diffusé sur les réseaux sociaux, a donné des munitions à l’opposition de droite, qui accuse Emmanuel Macron de ne pas être assez pro-nucléaire et d’être à la source des risques de black-out cet hiver. . Cependant, comment peut-il demander aux Français, comme l’a fait le président, de faire preuve de sobriété énergétique, si ces derniers estiment que la situation actuelle est due à son inaction ?
bataille féroce
Les tensions entre la direction d’EDF et la direction ne datent pas de la semaine dernière. Beaucoup au gouvernement ont reproché à Jean-Bernard Lévy l’échec de la réorganisation du groupe autour du plan dit “Hercule” l’année dernière. Le PDG n’aurait pas pu s’attirer les faveurs des syndicats réformistes chez lui pour faire accepter cette restructuration. Lire aussi Course entre l’État et EDF pour l’EPR britannique Une bataille de lobbying acharnée s’est ensuivie en décembre sur la contribution d’EDF au bouclier tarifaire. Contrainte de débourser 8 milliards d’euros pour protéger les Français, la direction du groupe a saisi l’été le Conseil d’Etat, demandant réparation. Une entreprise s’en prenant à son actionnaire étatique, on n’a jamais vu ça. Mais c’était la responsabilité légale de Jean-Bernard Lévy, qui doit défendre les intérêts de son entreprise. Quitte à être mécontent au sommet, mais au pire moment. Celle où le président de la République cherche à donner du sens à son second mandat.