Cette liste de griefs dépend du manque de reconnaissance dont souffre la profession depuis des années, fait valoir Delphine Depay, pétitionnaire fédérale CGT pour l’Atsem. A ses yeux, “les salaires sont extrêmement bas, sans commune mesure avec les missions et les qualifications”. Conditionné à l’obtention d’un CAP « petite enfance » et à la réussite au concours, une carrière Atsem débute au Smic et se termine autour de 1 700 € net, pour une quarantaine d’heures de travail par semaine.
“Macron a dit que nous étions nécessaires”
“Nous sommes les grands oubliés de Ségur, mais Macron a dit que nous étions indispensables”, déplore Sylvia Sowa-Vérot, 40 ans, qui exerce le métier depuis 2003 à Saint-Etienne (Loire). Nous sommes invisibles, mais sans Atsem, il n’y a pas de jardin d’enfants. Le jour de l’agent spécialisé, tout d’abord, la préparation matérielle de la salle de classe, l’accueil des parents et des enfants, puis l’organisation d’ateliers pédagogiques. Vient ensuite l’accompagnement à la cantine, l’organisation de la sieste et du réveil, le départ des enfants et enfin la propreté de la salle de classe. Il faut aussi accompagner les plus petits aux toilettes et leur apprendre la propreté. “Beaucoup, les quadragénaires, partent automatiquement en retraite sur invalidité, sur des bas salaires”, rapporte Delphine Depay, CGT Il y a aussi, chaque mois de juillet, la lourde tâche de maçonner l’école de fond en comble, ce qui implique de vider les salles de classe de tous les meubles, de cirer les parquets, de laver les jouets un à un. « Ce mois est épuisant, confie Mélodie (elle ne veut pas donner son nom de famille), 43 ans, Atsem dans l’Aisne depuis 2009. Il lui faut une bonne semaine pour récupérer. » Parmi les sources d’efforts physiques, Atsem provoque le portage d’enfants et des postures près du sol qui provoquent des maux de dos, des bruits constants ou encore des activités manuelles qui provoquent des troubles musculo-squelettiques. “Beaucoup, la quarantaine, sont d’office en retraite pour invalidité, avec des bas salaires”, assure Mme Depay, à qui la reconnaissance du travail acharné devrait ouvrir le droit à une “retraite anticipée sans décote”. Lire aussi : Article pour nos abonnés Santé, éducation : “Il faut recréer un marché du travail dynamique dans les professions et secteurs réglementés par l’Etat”
Rôle éducatif en retard
Le besoin de reconnaissance est d’autant plus aigu que les missions d’Atsem se sont élargies depuis l’époque lointaine des “dames en service”. Depuis 2014, les municipalités leur ont externalisé la gestion des “nouvelles activités périscolaires”, pour éviter d’embaucher des animateurs. Puis, en 2018, un décret les fait “appartenir” à la communauté éducative, à laquelle jusqu’alors ils n’avaient fait que “participer”.
Aux yeux de Gaëlle Lenôtre, 52 ans, Atsem depuis vingt ans à Six-Fours-les-Plages (Var), c’est justement ce rôle pédagogique qui ne peut se réaliser, compte tenu de l’organisation actuelle : « Puisque l’enseignant et l’Atsem n’ont le même employeur [éducation nationale pour l’un, commune pour l’autre], il n’y a pas de temps pour la coopération. Il évoque des entraînements organisés pendant la pause déjeuner quand les Acems s’affairent à la cantine.
“On aimerait bien s’intégrer dans la communauté éducative, comme le prévoit notre statut, mais en réalité on ne peut pas”, Gaëlle Lenôtre, 52 ans, Atsem
“On aimerait bien s’intégrer à la communauté éducative, comme le prévoit notre statut, mais en réalité on ne peut pas”, déplore-t-il. Par contre, “pendant le Covid, on nous a demandé d’aller faire la désinfection dans les Ehpad…”
Delphine Depay assure que la CGT a demandé à deux reprises au ministère de la Transformation et de l’Action publique, fin juin et début août, d’ouvrir des négociations, sans réponse à ce jour. Au cabinet du ministre, Stanislas Guerini, ils disent suivre “avec attention” la mobilisation, tout en renvoyant les discussions au contexte général du “plan de carrière et de rémunération, qui va démarrer prochainement pour l’ensemble des métiers de la fonction publique”. .
“Nerveusement, on est au bout”, en alerte en attendant Mélodie, sur l’Aisne. En raison de la gravité du métier, « de nombreux collègues songent à se reconvertir. Je ne suis pas encore assez dégoûté.
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Julien Lemaigne