Le pluriel a son importance : les cancers s’exposent à la Cité des sciences et de l’industrie à Paris qui explore, avec discrétion et précision, tous les aspects de cette maladie complexe encore entourée de tabous. Le défi était de taille : “montrer la maladie dans un musée des sciences, pointer du nez une part sombre de notre humanité qu’on ne veut pas voir”, confie Maud Gouy, co-commissaire de l’exposition d’affiches du 6 septembre. , 2022 au 8 août 2023, en collaboration avec l’Institut national du cancer (INCa). Mais le cancer, cause nationale importante, “nous touche tous, de près ou de loin”, plaide l’établissement public : aujourd’hui, près de quatre millions de personnes vivent ou ont fait l’expérience d’un cancer en France, où depuis 30 ans, le nombre total de les nouveaux cas augmentent (mais la mortalité diminue). “+Cancers+ est la première grande exposition consacrée à la maladie, avec l’ambition d’explorer ses différents aspects pour regarder ce monstre en face et briser les tabous, sans angoisser ni fragiliser le sujet”, explique Laurence Caunézil. co-commissaire. Dans 600 mètres carrés, les cancers (car il n’y a pas deux cancers identiques, insiste la Cité des sciences) sont abordés sous un angle scientifique, médical, social, voire politique. Une installation inattendue accueille le visiteur à l’entrée : un grand crabe (“cancer” signifie “crabe” en latin) nous apprend qu’il s’agit d’un phénomène biologique apparu il y a 500 millions d’années avec l’apparition des premiers organismes multicellulaires. Bref, qu’elle est inhérente au vivant. Le parcours invite ensuite à déambuler de salle en salle dans une scénographie intimiste, au gré d’installations audiovisuelles réelles et pédagogiques. Rien de “fun”, l’établissement n’a pas voulu “jouer” avec la maladie. L’exposition n’est également recommandée qu’à partir de 14 ans. – “Comment gérez-vous” – Sous un dôme, vous découvrirez la carcinogenèse, le processus génétique à l’œuvre dans la formation des tumeurs malignes qui trouve son origine dans une mutation de l’ADN. Comprendre la différence entre un scanner, une IRM, un PET scan. Découvrez les recherches sur les traitements du futur, comme celle sur les fibroblastes, des cellules susceptibles d’améliorer la réponse à l’immunothérapie. Ou travailler sur les inégalités sociales et géographiques du cancer, une “maladie politique” à laquelle certaines populations sont plus exposées que d’autres, comme l’ont montré les cas de l’amiante et du chlordécone. Le rapport fait un point utile sur la prévention, “sans culpabiliser le public”, selon Maud Gouy. Zoom sur les témoignages de patients, d’aidants et de soignants, dont beaucoup sont déchirants et surtout porteurs d’espoir. “Ce n’est pas parce qu’on a un cancer métastatique qu’on est foutu, une récidive du côlon avec métastases hépatiques est guérissable”, confie devant la caméra un homme atteint d’une tumeur du côlon. “Cancer ne veut pas dire mort tout de suite, beaucoup s’échappent et il faut le dire”, a réagi Alexandra Mariez, 36 ans, atteinte d’un cancer du sein triple négatif, invitée à la visite presse de l’exposition. Créatrice du compte Instagram ‘Allons-y prévention’ et ambassadrice du lien Généticancer, elle estime que parler des cancers au pluriel est nécessaire car “c’est prendre en compte toutes les parties prenantes”. Mélanie Hannouche, 43 ans, qui a également traversé cette épreuve, se félicite de l’ampleur du projet. “Quand j’ai reçu l’invitation de la Cité des sciences et que j’ai vu que l’exposition allait durer dix mois, je me suis dit qu’on allait enfin en parler au grand public !”, raconte la fondatrice de l’association “Skin, post « compte cancer ». Car “en dehors des réseaux sociaux, l’affichage du sujet est extrêmement tabou chez les jeunes”, déplore cet architecte d’intérieur, qui réalise aujourd’hui des portraits de femmes enturbannées dans les hôpitaux pour “changer le regard” de la maladie.