« Il est urgent de prendre des mesures provisoires », écrit l’instance onusienne dans ce texte de cinquante-deux pages, préconisant « l’établissement d’une zone de sécurité nucléaire et de protection ». « Les bombardements sur le site et dans les environs doivent cesser tout de suite pour éviter de provoquer de nouveaux dommages aux installations », insiste l’AIEA, se disant « prête à démarrer les consultations ». Lire aussi : Article réservé à nos abonnés En Ukraine, la visite de l’AIEA à la centrale nucléaire de Zaporijia n’éteint pas les inquiétudes

Kiev satisfait du rapport, Moscou plus critique

Après moult tractations, une délégation de l’AIEA, conduite par son directeur général Rafael Grossi, avait pu se rendre, jeudi 1er septembre, sur le site de la plus grande centrale nucléaire d’Europe. Deux inspecteurs doivent rester sur place de façon permanente. Lors de cette visite, les experts ont constaté la présence de soldats et de matériel militaire russes en divers endroits, dont des véhicules stationnés dans les salles des turbines, indique le rapport, qui contredit sur ce point les affirmations de Moscou. Il dresse également la liste des dégâts infligés à la centrale, occupée depuis le mois de mars par les forces russes et située près de la ligne de front, par les bombardements dont Kiev et Moscou se renvoient mutuellement la responsabilité. Kiev a salué ce compte rendu. « Le rapport mentionne la présence de matériel militaire russe dans l’enceinte de la centrale nucléaire, la pression qui y est exercée sur nos employés, et fait clairement allusion à l’occupation militaire russe. C’est une bonne chose », a déclaré le président ukrainien Volodymyr Zelensky lors de son message quotidien. Lire aussi : Zaporijia : une centrale nucléaire au cœur de la guerre
L’ambassadeur russe aux Nations unies (ONU) a, de son côté, déploré, lors d’une réunion du Conseil de sécurité, que le rapport de l’AIEA ne pointe pas la responsabilité de l’Ukraine dans les frappes « Nous regrettons que dans votre rapport (…) la source de ces bombardements ne soit pas nommée directement », a déclaré Vassili Nebenzia, estimant que ce rapport était une « confirmation » que la « seule menace » contre le site venait des « bombardements et des sabotages par les forces armées ukrainiennes ». « Nous comprenons votre position (…) mais dans la situation actuelle, il est important d’appeler les choses par leur nom », a-t-il insisté.

« Nous jouons avec le feu »

Quelques minutes plus tôt, le patron de l’AIEA Rafael Grossi, intervenant par vidéo, a dénoncé le fait que l’intégrité physique de la centrale « continue à être violée », qualifiant d’« inacceptable » le fait que le site ait été pris pour cible. « Nous jouons avec le feu », a-t-il lancé, indiquant qu’il allait contacter « très bientôt » toutes les parties pour discuter des « étapes concrètes » vers la mise en place de la « zone de sécurité » que préconise son rapport. Le ministère russe de la défense a accusé, le même jour, les Ukrainiens d’avoir « tiré à quinze reprises à l’artillerie sur la ville d’Energodar et sur le territoire [proche] de la centrale nucléaire de Zaporijia », où un obus aurait explosé « près des réservoirs de stockage d’eau à proximité du deuxième réacteur ». Mais Dmytro Orlov, le maire exilé d’Energodar, a accusé à l’inverse l’occupant russe de bombarder lui-même cette zone qu’il contrôle pourtant. Lire aussi : Article réservé à nos abonnés La lente hémorragie des Ukrainiens d’Enerhodar, site nucléaire pris en otage par les Russes
Sans surprise, les Occidentaux ont eux pointé du doigt la responsabilité de la Russie, qui occupe le site. « Malgré le numéro de claquettes de la Russie ici aujourd’hui pour éviter d’assumer la responsabilité de ses actes, la Russie n’a pas le droit d’exposer le monde à un risque inutile et à une catastrophe nucléaire », a déclaré l’ambassadeur américain en charge des questions politiques spéciales, Jeffrey DeLaurentis.

« Conditions extrêmement stressantes »

Contrairement au secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, et aux pays occidentaux alliés de l’Ukraine, l’AIEA n’appelle pas explicitement à la « démilitarisation » de la centrale. Elle demande en revanche une amélioration des conditions de travail des employés de l’énergéticien public ukrainien, qui continuent à faire fonctionner la centrale dans des « conditions extrêmement stressantes », selon le rapport. Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Guerre en Ukraine : l’exode sous les bombes des habitants de Kherson
La publication de ses conclusions intervient au lendemain de la déconnexion du dernier réacteur en fonctionnement dans ce complexe. Une ligne électrique, reliée à une centrale thermique voisine, en a en effet « été délibérément déconnectée afin d’éteindre un incendie », a expliqué l’AIEA dans un communiqué. Selon l’opérateur ukrainien Energoatom, le feu « s’est déclaré à cause des bombardements ». Le Monde avec AFP