C’est ce que prévoit Hydro-Québec. Dans son plan stratégique, l’entreprise publique indique que la production d’électricité devra être divisée par deux pour atteindre les objectifs de neutralité carbone d’ici 2050, notamment en électrifiant le secteur industriel, en électrifiant les transports ou en électricité à forte demande des industries émergentes. Maintenant, faut-il absolument construire de nouveaux barrages pour atteindre cet objectif ? Hydro-Québec ne ferme pas la porte, mais selon la PDG Sophie Brochu, d’autres options doivent être explorées. Elle disait en entrevue avec Patrice Roy en mars dernier : Si on doit activer un barrage, ce qu’on n’a pas besoin de faire à court ou moyen terme, c’est parce que ce sera nécessaire. En activant un barrage, il y a des problèmes environnementaux, des problèmes sociaux, des problèmes autochtones et des problèmes de coûts. Par exemple, le complexe hydroélectrique de la Romaine sur la Côte-Nord coûtera au moins 6,5 milliards de dollars pour produire 8 TWh d’électricité. A terme, il devrait pouvoir alimenter 470 000 foyers. L’embouchure de la rivière Romaine. Photo : Radio-Canada / Marc-Antoine Mageau Pour certains experts, il sera très difficile d’augmenter de moitié la production totale d’énergie sans miser sur des projets hydroélectriques, tant l’objectif est important. Pour vraiment libérer l’économie du carbone, l’hydroélectricité est essentielle, estime Yvan Cliche, chercheur en énergie au Centre d’études et de recherches internationales et ancien gestionnaire des contrats éoliens à Hydro-Québec. Surtout, ajoute-t-il, si l’entreprise publique veut continuer à exporter de l’électricité vers ses voisins nord-américains pour aider à décarboner leurs économies. L’État de New York, qui a signé un important contrat d’approvisionnement avec Hydro-Québec, veut atteindre la neutralité carbone de son électricité d’ici 2040. Il ne faut pas oublier que le contrat d’approvisionnement de Churchill Falls, qui équivaut à 35 TWh de production annuelle, arrive à échéance en 2041.

La filière éolienne

D’autres experts interrogés croient que le Québec peut augmenter la production d’électricité pour atteindre la neutralité carbone sans nécessairement avoir besoin de nouveaux barrages. De plus, Hydro-Québec compte principalement sur l’énergie éolienne pour répondre à ses besoins immédiats. Il faudrait produire environ 10 fois plus d’énergie éolienne qu’aujourd’hui pour atteindre les 100 TWh nécessaires à la neutralité carbone. Le potentiel éolien au Québec est estimé à 14 000 TWh, selon Normand Mousseau, directeur scientifique de l’Institut énergétique Trottier. Et la réduction du coût de production de l’énergie éolienne ces dernières années la rend plus compétitive par rapport à l’hydroélectricité, ajoute-t-il. Et les projets d’alimentation de grands réservoirs, où une partie du territoire est inondée, auront beaucoup plus de mal à s’imposer socialement, estime Normand Mousseau. Selon les estimations que l’on pourra faire, l’éolien sera beaucoup moins cher que les barrages et apportera le même bénéfice en termes de soutien au réseau électrique. Il est difficile de voir comment on va construire de nouveaux barrages, mais il faut s’asseoir, faire des plans pour voir les coûts. Une chose est claire pour l’expert : il faut agir rapidement pour augmenter la production d’électricité au Québec. Dans le cas contraire, l’accès à l’électricité risque d’être un frein à la décarbonation.

Améliorer l’efficacité énergétique

Hydro-Québec mise aussi sur l’efficacité énergétique pour faire des profits. D’ici 2029, l’entreprise publique souhaite récupérer 8 TWh d’économies d’énergie, en misant notamment sur le fait que les clients vont changer leurs habitudes de consommation. Le Québec pourrait faire plus, estime Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal. Mais surtout, nous devons penser à la sobriété énergétique si nous voulons atteindre nos objectifs de neutralité carbone. Oui, nous devons prévoir plus de production, mais nous devons gérer tous les secteurs de l’économie, et la consommation en particulier, beaucoup plus agressivement que nous ne le faisons aujourd’hui, conclut-il. Avec la collaboration d’Olivier Bachand et Nathalie Lemieux.