Les perspectives pour certaines cultures, comme le maïs et les pommes de terre, sont mauvaises. Le gouvernement a déjà annoncé des aides aux producteurs en difficulté. Mais les conséquences de cet été désastreux pour les cultures pourraient aussi toucher les consommateurs. Des produits pourraient-ils manquer à l’automne? Quel impact sur les prix ? Franceinfo fait le point.
Moins de pommes de terre…
Quel est l’état de la production ? Les producteurs de pommes de terre s’attendent à une récolte “désastreuse”. L’Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT) s’attend à une baisse des rendements « d’au moins 20 % par rapport à la moyenne des vingt dernières années ». Cela équivaut à 1,5 million de tonnes perdues cette année. Habituellement, “quand il y a une canicule, la pomme de terre arrête son cycle puis reprend sa croissance” quand les températures chutent, explique Geoffroy d’Evry, agriculteur dans l’Oise et président de l’UNPT. Mais la sécheresse persistante et la succession de canicules en été ont définitivement empêché le développement des tubercules. “De mémoire d’un cultivateur de pommes de terre du nord de la France, nous n’avions jamais connu une telle situation auparavant”, raconte l’agriculteur. Quelles sont les conséquences pour le consommateur ? La pénurie de marchandises se fera sentir d’abord dans l’industrie des chips et de la pomme de terre, où les pommes de terre sont le plus souvent cultivées “à sec”, c’est-à-dire sans système d’irrigation autre que la pluie. Pour les pommes de terre vendues au comptoir, le risque de pénurie semble écarté, mais les rayons pourraient encore être moins approvisionnés dans les mois à venir. La baisse de rendement “sera certainement un peu moins perceptible” dans ces cultures car une partie de cette production est irriguée et a donc été moins directement affectée par la sécheresse. “Aujourd’hui, il serait impensable de voir des promotions pour les pommes de terre, car il n’y aura pas de surabondance.” Geoffroy d’Evry, président de l’UNPT chez franceinfo Avec moins de marchandises, les tarifs sont également susceptibles d’augmenter. En tout cas, c’est ce que veut l’industrie. “Cette hausse de prix doit se faire, mais elle peut être limitée”, assure Geoffroy d’Evry. “Il n’y a aucune raison de voir doubler le prix de la pomme de terre dans les magasins”, mais “chacun doit faire sa part, et c’est aussi aux commerçants et distributeurs de revoir leurs marges”, plaide l’agriculteur.
… et légumes
Quel est l’état de la production ? Actuellement, la fédération Légumes de France estime les pertes entre 25% et 35% de la production. “Avec la hausse des températures, la sécheresse et donc les limitations en eau, les plantes ont développé un stress hydrique, ce qui a comprimé la production. Comme ils n’ont pas d’irrigation, ils donnent la priorité à leur survie et donnent de moins en moins de qualité”, résume le président d’Interprofessionnel. des fruits et légumes, Laurent Grandin, avec le site actu.fr. Certains semis ont également été reportés pour éviter que les graines ne brûlent sous l’effet de la chaleur. “Il y a donc un risque de retard dans la production de navets, de carottes ou de radis”, explique Jacques Rouchaussé, président de Légumes de France. En revanche, les prévisions sont plus favorables pour les fruits. « Les pommes seront un peu plus petites, mais la production a été bonne dans l’ensemble », indique par exemple Françoise Roch, présidente de la Fédération nationale des arboriculteurs. Quelles sont les conséquences pour le consommateur ? Et ici, même si le risque de manque de légumes est écarté, “on aura moins de marchandises, c’est sûr”, juge Jacques Rousseau. Aussi avec des implications potentielles sur les prix. A l’heure actuelle, celles des légumes frais ont déjà augmenté de 4,9 % en un an, selon l’Insee. Un pourcentage toutefois inférieur à l’inflation de l’ensemble des produits alimentaires sur la même période (+6,8%). Pour absorber l’augmentation des coûts de l’énergie et des emballages dans la filière et la baisse attendue de la production, les maraîchers réclament une hausse des tarifs. “Cette hausse de prix devrait être raisonnable, de l’ordre de quelques centimes”, selon le maraîcher.
Intensité sur les produits laitiers
Quel est l’état de la production ? “Les vaches laitières produisent moins quand les températures augmentent” car elles ne supportent pas les fortes chaleurs, explique Jean-Marc Chaumet, directeur du service économie du Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel). De plus, les pâturages dont se nourrissent les ruminants (vaches, moutons, chèvres) sont en grande partie asséchés. Ainsi, depuis le début de l’année, la production d’herbe a diminué de près d’un tiers par rapport aux années précédentes, estime le service statistique du ministère de l’Agriculture (Agreste). Or, l’alimentation animale, qui sert à combler le manque d’herbe, connaît depuis le début de la guerre en Ukraine une inflation hors norme, liée à la hausse du prix des matières premières agricoles : +31% en un an pour l’alimentation des porcs, + 25 % pour l’alimentation volaille et + 26 % pour l’alimentation vache laitière, selon Agreste (fichier PDF). Sans compter que la récolte de maïs – dont la majorité finit en fourrage – pourrait chuter de 13 % en raison de la sécheresse, prédit le ministère. Résultat : certains éleveurs ont déjà commencé le fourrage d’hiver, d’autres réduisent les rations, ce qui affecte la quantité de viande ou de lait produite, ou bien envoient une partie de leurs animaux à l’abattoir pour nourrir ceux qui restent. “Normalement, en ce moment, 51.000 animaux devraient être abattus chaque semaine, alors qu’on est plus proche des 60.000”, explique Patrick Bénézit, vice-président de la Fédération nationale de l’élevage bovin (FNB). Quelles sont les conséquences pour le consommateur ? Il y aura beaucoup de viande dans les mois à venir car davantage d’animaux seront abattus. Cependant, si trop d’éleveurs sont contraints de recourir à l’abattage excédentaire, la pénurie se fera sentir dans les années à venir en raison d’un manque de renouvellement des troupeaux. Côté prix, les éleveurs de ruminants, incapables de compenser les nouvelles pertes liées à la sécheresse, demandent à l’État de revoir les plafonds d’accès et d’indemnisation du régime des calamités agricoles afin de pouvoir bénéficier de « 2 à 4 milliards sinon, le La flambée des prix de la viande – 8 % sur un an, selon l’Insee – va se poursuivre. “Le coût de la sécheresse devra être répercuté d’une manière ou d’une autre.” Patrick Bénézit, vice-président de la Fédération Nationale de l’Elevage chez franceinfo Côté lait, la baisse de production se fera plus vite sentir, assure Jean-Marc Chaumet. “On sera dans des volumes relativement limités cet automne, avec des tensions sur les produits laitiers (beurre, fromage, yaourts…)”, prévient-il, relativisant toutefois le terme “manque”. Après avoir augmenté de 6 % au cours des 12 derniers mois, les prix du lait continueront d’augmenter. Normalement fixé annuellement en février entre l’industrie laitière et les distributeurs, le prix avait déjà été revu à la hausse en juillet. Et les agriculteurs réclament désormais un troisième cycle de négociations avant la fin de l’année. “Pour vivre de notre métier, nous avons besoin d’un lait qui se vende 99 centimes le litre dans les rayons, contre environ 78 centimes pour les marques de distributeurs aujourd’hui”, justifie Stéphane Joandel, administrateur de la Fédération nationale des producteurs de lait de France. Auvergne-Rhône-Alpes. L’appel des éleveurs a déjà été entendu par l’enseigne Système U, qui a annoncé fin août qu’un litre de lait sera désormais vendu près d’un euro.
Miel local plus cher
Quel est l’état de la production ? “Quand la végétation souffre de sécheresse pendant des mois, elle ne fleurit pas ou peu pour se protéger et les quelques fleurs qui sont présentes produisent peu de nectar et durent moins longtemps”, explique Henri Clément, représentant de l’Association nationale de l’apiculture française. Maintenant, sans nectar, il n’y a pas de miel. En raison de la sécheresse, la récolte de cette année pourrait être réduite de moitié, selon lui. Mais celle de l’année prochaine pourrait aussi être affectée, car si la reine se nourrit moins, faute de pollen disponible, elle pond moins, et le renouvellement de la colonie n’a pas lieu. Quelles sont les conséquences pour le consommateur ? Sur les étagères, il y aura de nombreux pots de miel. Environ 45 000 tonnes de miel sont consommées chaque année en France, bien plus que les 10 000 à 33 000 tonnes (selon les années) produites dans le pays. Ainsi, le miel étranger, notamment d’Asie, remplacera le miel français manquant. “En revanche, il y aura moins de qualité et de local”, prévient Henri Clément. Le miel produit en France coûtera aussi un peu plus cher car les apiculteurs ont augmenté leurs prix pour couvrir leurs coûts de production croissants, notamment en lien avec la forte hausse du prix des emballages et du carburant.