A l’initiative de cette “nouvelle méthode” et de la manœuvre pour convaincre les derniers indécis, le président de la République a précisé que la rencontre s’inscrit dans “une première série de plusieurs jours”, qui doit être suivie de “rencontres régulières”. L’après-midi, Elisabeth Borne animera une séance de définition des projets et de leur mise en œuvre. “La volonté est d’aller vite”, a indiqué l’Elysée, espérant un “démarrage très rapide” des premiers projets thématiques à mettre en place “en 2023”. “Gadget macroniste” pour Bruno Retailleau, leader du groupe de sénateurs Les Républicains, “saison 2 de bla-bla” pour Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise), un “truc” dont Hervé Marseille, sénateur des Hauts-de -Seine (Union des Démocrates, Radicaux et Libéraux), s’interroge sur l’utilité… Pas encore installée, l’initiative est critiquée et boudée par une partie des acteurs qui s’y sont invités, à commencer par les partis d’opposition et quelques syndicats. Voici quatre questions sur ce que l’on sait de ce tout nouveau CNR. Lire aussi : L’article est pour nos abonnés L’opposition refuse de faire le jeu du Conseil national pour le rétablissement d’Emmanuel Macron
Que couvre le projet ?
Depuis début juin, Emmanuel Macron a esquissé les contours de ce que devrait être le CNR, sans entrer dans les détails. L’idée proposée est de réunir des représentants des forces politiques, économiques, sociales et coopératives du pays, ainsi que des citoyens attirés. Leurs échanges doivent permettre de réfléchir à d’importantes réformes sur des questions que M. Macron croit avoir soulevées pendant la campagne présidentielle : plein emploi et industrialisation, scolarisation, santé, « bien vieillir » et la transition écologique.
Par ailleurs, ce CNR se veut, comme l’a expliqué par la suite le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, une “nouvelle méthode” plus qu’une nouvelle “structure”. “Il ne s’agit pas de recréer une structure similaire au CESE [Conseil économique social et environnemental]mais de trouver une nouvelle méthode pour faire face aux défis posés par cette nouvelle ère”, affirme l’Elysée.
Le nom choisi et, surtout, son sigle se veulent, selon les mots d’Emmanuel Macron, un « clin d’œil » hautement symbolique et supposé au Conseil national de la Résistance. Ce dernier, qui a coordonné les différents mouvements de la Résistance intérieure française pendant la Seconde Guerre mondiale, tient une place essentielle dans l’histoire du pays.
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“Nous vivons à une époque similaire. Nous sommes dans une ère historique qui nécessite un profond changement de modèle, et puis la guerre est là”, a argumenté le chef de l’Etat dans son entretien avec la presse régionale, évoquant la guerre menée par Moscou en Ukraine. Une comparaison dangereuse et un “risque de perte de sens”, prévient Loïc Blondiaux, politologue et professeur de science politique à l’université Paris-I. Ce n’est pas la première fois qu’Emmanuel Macron invoque des références historiques : après des mois de manifestations de « gilets jaunes », il avait lancé le grand débat national et ouvert des « cahiers de doléances ».
Quel est l’objectif affiché ?
Cette nouvelle tribune est une tentative du chef de l’Etat d’introduire plus “d’horizontalité” dans la prise de décision pour ce second mandat, dont le premier a été largement critiqué pour sa “verticalité” et son absence de dialogue. Les Français sont “fatigués des réformes venues d’en haut”, estimait en juin le président de la République, vendant une “révolution culturelle [qui] il part du terrain et coopère avec tous les acteurs ». Olivier Véran a expliqué en juillet que l’instance permettra de “partager des diagnostics et de fixer un certain nombre de problèmes ou d’objectifs” dans les territoires et au niveau national et d’examiner “l’aspect local et territorial de la différenciation des réformes”. , avait développé au micro de France Inter.
Qui participera au Conseil national de reconstruction ?
Le parti présidentiel et le MoDem, partenaire de La République en marche (LRM) depuis sa fondation, participeront au meeting de jeudi. Le leader centriste, François Bayroux, a même été nommé secrétaire général du CNR et présidera vraisemblablement les discussions.
Une cinquantaine d’autres invités ont accepté de participer, mais parfois ils font des réservations. Le parti Horizons d’Edouard Philippe sera représenté jeudi, mais pas l’ancien Premier ministre. Officiellement en déplacement au Québec, “Edouard Philippe n’a absolument aucune confiance dans le CNR”, a avoué un proche à franceinfo.
Les confédérations syndicales CFDT et CFTC, ainsi que les organisations patronales Medef et CPME, ont déclaré participer au CNR, mais n’étaient pas entièrement convaincues de son utilité. Le président du CESE, Thierry Beaudet, a annoncé qu’il s’y installerait afin que l’instance puisse assumer « son rôle dans une refondation qui [le CESE] appelle depuis longtemps”, mais “sans gesticulations, sans naïveté”, a-t-il déclaré au Figaro.
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Les principales associations d’électeurs locaux, l’Association des maires de France, l’Assemblée des départements et régions de France, avaient initialement décidé de ne pas y participer. Donnés par Emmanuel Macron lundi après-midi, ils ont finalement changé d’avis, estimant que “le président [avait] engagés dans un dialogue régulier et direct ».
Mais peut-être plus que les participants, c’est tout le monde qui a décidé de ne pas assister à la réunion du CNR. Les partis d’opposition, du Rassemblement national à La France insoumise en passant par les socialistes et les écologistes, ont tous décliné l’invitation du chef de l’Etat. Gérard Larcher, président du Sénat républicain et troisième personne de l’État, selon le protocole de la Ve République, a également refusé de se rendre à Marcoussis. “Je pense que cet organe ne peut pas réaliser la rénovation de la démocratie à laquelle vous aspirez”, a déclaré M. Larcher dans une lettre au chef de l’Etat.
Pourquoi l’initiative est-elle discutée ?
Dans l’opposition, dans l’opinion publique et même dans la majorité présidentielle, le Conseil de reconstruction nationale peine à convaincre. D’abord, pointe le politologue Loïc Blondiaux, car l’idée est apparue comme un “coup politique” du président en pleine campagne électorale pour répondre à ceux qui critiquent “une forme de pouvoir trop verticale et pas trop transparente”.
Une arrière-pensée politique “extrêmement claire” qui est d’ailleurs très mal servie par les efforts antérieurs du chef de l’Etat en matière de démocratie participative. Après un grand débat national “sans réel impact” et une convention citoyenne sur le climat qui n’a vu ses conclusions que partiellement entendues, ce nouvel effort “ressemble à un pétard mouillé”, analyse le politologue, spécialiste de la démocratie participative : “Cette promesse de consultation et d’examen de la société n’est plus crédible. »
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De plus, cette initiative s’inscrit dans un nouveau contexte institutionnel, puisque les élections législatives ont fait perdre la majorité absolue de LRM à l’Assemblée nationale. Depuis, le Parlement “a retrouvé une forme d’importance centrale dans le dialogue politique et peut apparaître comme un lieu où l’expression d’oppositions et de contre-propositions redevient possible”, selon Loïc Blondiaux. “L’équilibrage institutionnel réduit l’intérêt et l’utilité apparente” du CNR, qui apparaît alors, poursuit le politologue, comme une volonté de contourner le Parlement.
Cette crainte est partagée par de nombreux élus de l’opposition, ainsi que par le président du Sénat, pour qui « les mécanismes de démocratie participative peuvent contribuer à éclairer la représentation nationale, mais ils ne sauraient en aucun cas s’y substituer ». D’autant plus que la raison d’être d’ESEK, tout juste reformée et sa troisième assemblée…